HISTOIRE ET CONTEXTE
Emmanuelle et Gabriel sont vendeurs de leur maison familiale car ils se séparent. Parents de 2 enfants, Emmanuelle est déjà partie et le temps presse pour eux de consacrer la vente de leur bien commun afin qu’ils puissent démarrer une nouvelle vie.
Gabriel a conservé la jouissance de la maison.
La demeure, située dans un quartier pavillonnaire à cheval sur deux communes courues du Nord Isère est une maison sur sous-sol de 92 m² habitable sur autant de surface annexe en dessous.
Gabriel avait initié des travaux dans le sous-sol pour aménager une chambre destinée à leur plus grand fils afin qu’il ait sa liberté tout en vivant chez ses parents.
Aussi, lorsque le bien arrive à la vente, l’agent immobilier en charge du dossier a eu l’intuition que le produit pourrait aussi intéresser un professionnel susceptible de poursuivre l’aménagement du sous-sol, voire de bâtir sur le terrain disponible jouxtant la propriété (environ 300 m²).
Elle se rapproche donc de Dubois Immobilier afin de nous présenter le dossier.
Analyse du projet de souplex
Pour que l’affaire soit considérée par nos soins comme intéressante, il nous a fallu vérifier comment la valoriser et dans quelles mesures le projet de souplex imaginé était valable sur le plan des autorisations et du règlement.
Voici les questions que nous avons balayées et auxquelles il nous a fallu répondre :
- Sur quelle commune se trouve réellement le terrain ? Et quel est le règlement de la zone ?
- Qu’en est-il notamment des exigences de stationnement pour la création d’un second logement ?
- Le terrain est-il en lotissement ?
- Le terrain est-il contraint par d’autres règles ?
- Comment la maison est-elle conçue en prévision d’une division du bâti ?
- Les réseaux sont-ils suffisants pour dédoubler l’habitation ? Quid du diagnostic ?
- A quelles règles se référer pour concevoir et prévoir un souplex ?
- Quel serait le montant des travaux visant à rafraîchir la partie habitable et le coût pour créer véritablement le logement du dessous ?
- Quelle TVA s’appliquerait au projet de scinder la maison en 2 dans le sens de la longueur ?
- Quelle marge en fonction l’opération pourrait-il dégager ?
- Le prix attendu par les vendeurs permettra-t-il de générer cette marge sur la revente de 2 logements après travaux ?
- A quelles règles seront soumis les prochains habitants si Dubois Immobilier les réunit via une copropriété ?
- Quelles sont les obligations inhérentes à la fondation d’une copropriété ?
- Que nous apprend l’observation de l’environnement ?
- Les autres maisons ont-elles aussi subies des travaux de transformation ?
Exploitation et application des règles locales
Le sujet se trouve en zone UAB, une zone plutôt pavillonnaire et assez souple en termes de règles car visant la périphérie des zones d’habitation, avec ambition de développement léger.
Un seul stationnement par logement est suffisant pour envisager le projet ; comme le garage est destiné à être rendu habitable, la place qui s’y trouve est donc vouée à disparaître, il faut donc prévoir 2 places sur les zones de terrain disponibles au sein de la propriété pour créer des stationnements.
Nous avons tâché de savoir en sus si le terrain et sa maison étaient inclus dans un lotissement, ce qui, comme nous l’avons déjà vu dans certains des cas précédents, change considérablement la donne car cela peut inclure des prescriptions et des contraintes majeures.
A cette question, les vendeurs ayant acquis la propriété à peine 10 ans plus tôt n’avaient aucune idée de la réponse ni même d’information liée à leur achat.
Nous avons donc mis de côté cette dimension pour avancer sur le reste.
La maison telle qu’elle était distribuée permettait assez bien de séparer le haut du bas, par la division de l’escalier en 2 au milieu de la rampe d’accès ; idem pour les réseaux.
La mise en copropriété exige quelques étapes phares qu’il convient de bien anticiper et préparer avec ses géomètre et notaire :
- Faire établir un état descriptif de division.
- Faire réaliser un diagnostic technique global (DTG).
- Faire préparer le règlement de copropriété avec :
- Destination des lots
- Jouissance des parties communes
- Répartition des charges
- Fonctionnement de la copropriété
En outre, nous avons découvert en travaillant le dossier de façon la plus professionnelle et exhaustive possible, qu’il fallait aussi souscrire à la Loi du 30 janvier 2002 sur le logement décent, à savoir principalement que le logement devait :
- Comporter au moins une pièce principale de + de 9 m²
- Bénéficier d’une HSP (Hauteur Sous Plafond) d’au – 2,20 m
- Offrir à ses pièces principales un éclairage naturel suffisant et une possibilité d’ouvrir et d’apporter de l’air libre
Comme toutes ces règles étaient valides dans le projet, nous avons pu poursuivre.
Quant au sujet passionnant de la façon dont il fallait orienter le dossier pour échapper à la TVA sur le chiffre d’affaires au profit d’une exonération de TVA (en marchand pur), Dubois Immobilier a opté pour la préparation, le dépôt puis l’obtention d’un permis de construire visant à rendre habitable les 92 m² du sous-sol mais avec la volonté de céder le permis obtenu dans la vente du bien du dessous, afin de ne pas procéder en direct aux travaux.
Conséquences : plutôt que de réaliser les travaux et créer la plus-value avant-vente, ce qui nous aurait conduits au régime de TVA sur le prix, nous avons choisi de nous contenter d’obtenir l’autorisation puis de la céder sans réaliser les travaux (aller-retour).
Ainsi, seule serait consacrée lors de la vente, la division des 2 logements, l’opération échappant alors au champ de la TVA !
Nous avons conclu à cet instant que l’affaire était intéressante, réalisable et utile sur le marché, de nombreuses familles cherchant un logement en maison avec un bout de terrain.
Or, notre idée de la découpe (Cf. croquis joint) laissait apparaître 2 logements superposés mais avec pour chacun des foyers, une division des terrains disponibles autour de la propriété, faisant bénéficier aux futures familles d’un vrai jardin pour chacune.
ISSUES, OBSTACLES IMPRÉVUS ET CONCLUSIONS DU PROJET DE SOUPLEX
Tous les feux étaient au vert, notre agent immobilier avait même déjà trouvé les 2 couples potentiellement acquéreurs des deux parties ainsi découpées.
Mais c’était sans compter sur les surprises que chaque dossier, même approfondi, réserve.
Dans cette affaire, il y en a eu 2, coup sur coup :
1. Lors de la signature du compromis, alors que l’événement marque pour les professionnels la consécration d’un certain temps de préparation, de calcul, de contrôle du marché etc… il est apparu que la notaire des vendeurs avait omis de fournir à tous, des éléments majeurs attachés au sujet : La parcelle et la propriété faisaient partie d’un lotissement communal vieux de 40 ans passés !
Or, nous le savions, si tel était le cas, nous pouvions souffrir de règles devenues éternelles et s’opposant à tous.
En effet lors de la création d’un lotissement, deux documents incontournables créés par le géomètre de l’opération, sur pilotage du lotisseur, peuvent contraindre tous projets futurs :
Il s’agit du règlement bien sûr, mais aussi et surtout du cahier des charges.
Tant la doctrine que la jurisprudence relatent bien la complexité de telles situations.
Pour faire simple, le règlement d’un lotissement dure 10 ans ; le cahier des charges, selon.
Selon quoi ? Selon qu’il a été publié par les colotis au moment de sa rédaction, dès sa signature par les tout premiers colotis réunis lors de leur toute première AG d’assemblé syndicale libre.
Aussi, à la stupéfaction de tous, lors du compromis, nous avons découvert l’existence d’un cahier des charges datant de 1977, la 1ère année en France où de telles pièces pouvaient contraindre dans le futur les prochains habitants !
En outre ledit cahier avait été publié au JO de l’époque, donc avait acquis un caractère coercitif sur tous les actes à venir.
En l’occurrence, le cahier des charges disait clairement qu’un seul lot ne pouvait accueillir qu’une seule habitation.
Très contrariés par cette mauvaise surprise, les vendeurs comme DUBOIS IMMOBILIER et son agence se tournèrent vers la notaire responsable qui, sans faillir, nous expliqua alors qu’on ajouterait comme condition suspensive l’obtention par nos soins des accords de l’unanimité des colotis pour modifier cette notion.
Nous savions très bien que ce serait chose extrêmement complexe, pourtant dès le lendemain, nous y sommes parvenus !!!! (Attestations signées par chacun + pièces d’identité).
Le dossier reprenait immédiatement des couleurs…
2. Lors de l’instruction du permis de construire, nous avons reçu une demande de pièces complémentaires et nous sommes aperçus que l’urbanisme évoquait une zone bleue de PPRI (Plan de Prévention de Risques d’Inondation).
Inquiet de cette nouvelle surprise, nous avons fait diligence auprès des services que nous connaissons pour étudier plus avant le document des PPR locaux et ses exigences selon les zones, les cotes etc.
Nous avons vite saisi que même en zone bleue, la commune exigeait de rehausser toute nouvelle construction de 60 cm par rapport au TN, donc que notre projet de souplex qui allait correspondre à une double demande, allait tomber inexorablement à l’eau.
Le dossier s’est donc malheureusement éteint ainsi, car nous avons été mis en échec par des documents de la commune incomplets et une partie adverse très mal orientée par leur notaire.
NB : nous parlons de document communal incomplet car la commune.
Moralité : même lorsque nous nous sommes efforcés d’avoir le dossier le plus approfondi en réunissant toutes les informations disponibles, des éléments imprévus peuvent émerger et renverser complètement la validité d’une affaire.
Rien de grave, cela fait juste partie du métier.